Kob'Ito, à la recherche de lui-même

par **Vent d'Est** Sam 24 Juil - 4:34

Me voilà, depuis une petite éternité penchée sur cet immonde bout de papier. J'ai vécu mille ans, mes réminiscences infiniment endormies, avalant avec une gourmandise naïve et ignorante les insanités des "grands penseurs" de nos autorités. Et pourtant depuis quelques siècles, je n'ai de cesse que d'être tourmenté par d'insolites questionnements.

Où suis-je? Quelle est la clef de mon existence? Comment suis-je né? Et surtout, cette énigme continuelle et sans issue: Qui étais-je avant d'arriver là?

Je suis un Léthéran, créature majestueuse à la peau d'un violine tout aussi noble que son esprit dont la fierté est la principale source de contentement. Oui, la fierté, l'orgueil, cette étrange béatitude de s'être libéré de toutes nos souvenances, appelées par nos Grands Penseurs "vices de l'âme".
Selon ces Léthérans supérieurs, ces soi-disant moralistes au regard juste et détaché, garder les souvenirs de notre vie passée est un crime condamnable par l'exil et le rejet. Chacun de nos à son apparition dans cet univers offre ses mémoires aux immatérielles créatures d'or qui peuplent nos contrées et recherchent avec soif ces petits morceaux d'existence à avaler. Je suis passé par là paraît-il, moi, Kob'Ito, avant tous ces hommes Léthérans que j'ai moi-même poussé à se jeter dans ces fleuves scintillants. Seulement je n'en garde aucun souvenir, ce qui enlève toute intelligence à cette décision de se débarrasser de ses souvenirs. Comment vivre intelligemment, si on ne se souvient même plus qu'est-ce qui nous a poussé la première fois à faire cela.
Notre philosophie va totalement à l'encontre des religions Hen. Et pourtant les Modernes font partie de ceux que je respecte, admire et souhaite atteindre. Je tente chaque jour de me rapprocher un peu plus de la réponse à mes questions.

Et voici que je tombe sur cet écrit. Un écrit sur le Paradis. Lieu pour les âmes sans connaissances. Un lieu pour les Léthérans finalement, qui perdent toute mémoire pour atteindre le bonheur. Voilà la réponse, et elle me met en rage!! Mon peuple cherche à atteindre le Paradis, alors que nous sommes déjà dans un royaume où les gens du monde des vivants arrivent lorsqu'ils perdent la vie! Si ce n'est pas le Paradis, alors c'est qu'il ne doit être nulle part! Tous ces enfants que je vois venir de tous ces lieux connus: la Terre, Helia, et toutes les autres planètes habitées, oui tous ces enfants pleins d'innocence, ont-ils suffisamment péché pour devoir subir un autre monde que le Paradis? S'ils sont là, c'est donc sûrement qu'un tel endroit, un lieu de paix pour les âmes n'ayant jamais péché, ne peut exister. Ou bien est-ce simplement qu'un être à partir du moment où il vit et est doté d'un minimum de pensée, ne peut être parfait et sans péché.

Et voilà que j'ai un sac rempli d'affaires à la main, oui, me voilà prêt à quitter ma longue vie millénaire pour aller explorer le monde avec un regard nouveau, remplis de questionnements aiguisés par la connaissance que j'ai réussi à récupérer durant toutes ces années. Je pars à la recherche de mes souvenirs, des raisons de mon existence, et pourquoi pas pour ce qu'ils appellent le Haqy.

Excuses-moi, mon ange. J'ai besoin de chercher qui je suis, qui nous sommes tous. Tu pourras me retrouver dans les laboratoires Or'een qui côtoient la Tornade Nébuleuse, ou auprès des grands moines Modernes.
Je sais, tu dois être surpris de ce soudain départ…Excuses-moi, je ne voulais pas te voir pleurer alors je suis parti plus tôt. On se retrouvera mon amour, n'en doutes pas. Fais attention à toi. Je t'aime.

Je dépose le bloc sur la tablette avant de marcher hors de notre demeure, celle que j'ai bâti avec lui, cet homme qui a partagé tous mes tourments pendant plusieurs siècles éthérodiens sans jamais pouvoir apporter de réponse à mes questions. J'ai beau l'aimer, je dois comprendre avant tout.